"Ces 10 dernières années, les chefs d'entreprise accordaient peu d'intérêt au domaine social. Certains se moquaient même des revendications salariales : avec la pile de C.V. qui attendait sur le bureau, les mécontents n'avaient qu'à partir "Serge Granger, délégué régional du CDIA (Centre d'Information et de Documentation des Assurances) rappelle les problèmes conjoncturels qui, il y a peu, paralysaient l'économie. " Les surmonter était alors la priorité des entreprises, note Sylvianne Petitdemange, conseiller commercial du groupe Vauban. Mais aujourd'hui, un second souffle se ressent ".
Gérer le capital humain
Le vent tourne, et il n'est pas tout seul. Dans les entreprises aussi, apparaît le " turn-over " : " même les employés bien installés commencent à regarder ailleurs. Le salaire ne suffit plus pour garder les bons éléments : il faut ajouter une valeur supérieure ", fait remarquer Serge Granger. Cette valeur doit être humaine et sociale : la fidélisation des employés tient en grande partie à la reconnaissance que leur entreprise leur accorde. " Tout le monde reconnaît aujourd'hui que le plus grand capital est le capital humain. Le soigner est la moindre des choses ", conclut le délégué régional du CDIA. Conséquence : les entreprises sont plus sensibles à la protection sociale. Preuve en est, pour Bernard Saguy, directeur du développement de Languedoc Mutualité, des résultats enregistrés en 2000 : " nous connaissons à ce jour sur les contrats collectifs une progression de 20 % par rapport à 1999. La croissance est incontestable ". La protection sociale complémentaire devient une étape incontournable du développement d'une entreprise.
Faire du sur-mesure
Capital-décés, compléments maladie, indemnités journalières, et autres retraites complémentaires, il existe toute une panoplie d'outils sociaux. Mais il ne s'agit pas de choisir ces articles sur catalogue : une proposition de protection sociale reste l'aboutissement d'une réflexion collective. Le contrat doit être adapté, d'une part, aux capacités de financement de l'entreprise, et d'autre part, à la demande des salariés. " Les écouter est indispensable car les besoins ne sont pas les mêmes pour tous, analyse Patrick Hugon, directeur du développement de Mutuelle du Sud : les métiers à risques préféreront une garantie de maintien de salaire, les ouvriers, un contrat frais médicaux et les cadres, une retraite complémentaire ". Pour être un outil de management efficace, l'initiative de l'entreprise doit s'inscrire dans une réelle politique sociale. Et qui dit politique, dit communication : " il est nécessaire de se rapprocher du salarié pour en retirer un bénéfice social ", explique Jean Auret, responsable commercial de la Caisse Unique. Investir dans la protection sociale n'a aucun intérêt si les principaux concernés n'en sont pas informés. Un audit est donc indispensable, non seulement pour créer un lien, mais aussi pour expliquer aux salariés les mécanismes et les avantages qui leurs sont proposés. Ne reste plus qu'à les choisir. Les besoins sont grands : " les régimes de base ne remboursent pas la totalité ou ne versent pas suffisamment d'indemnités pour assurer la subsistance de tout un chacun ", constate Bernard Saguy. Mutuelle ou prévoyance ? Tel est le dilemme. Pour Sylvianne Petitdemange, les frais maladies, remboursés en moyenne à 72 % par la sécurité sociale, ont la préférence : " la santé est ce qui touche le plus les individus ". Jean Auret appelle, quant à lui, à la prévoyance : " il faut bien sûr se protéger contre la grippe de tous les jours, mais pensez aussi à vous assurer contre des événements plus rares, mais bien plus graves ". Le régime de base en cas d'arrêt de travail ne maintient que 50% des revenus. Un coup dur qui, n'arrive pas qu'aux autresÉ " Tant pour le salarié que pour l'employeur, la protection sociale complémentaire est un outil de motivation qui coûte beaucoup moins cher qu'une augmentation de salaire ", explique Patrick Hugon. Exemple : une augmentation de 100 F coûte 150 F à l'entreprise mais ne revient plus qu'à 75 F aux salariés, toutes charges déduites. Alors que 100 F en protection sociale ne coûte pas plus cher et n'est pas soumis à la fiscalité.
Un cadre fiscal attractif
En effet, sous les conditions de l'article 83 du Code Général des impôts (voir encadré), la part de cotisation versée par le salarié n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu, et la part versée par l'entreprise est ajoutée à ses charges. Les bénéfices s'en trouvent réduits, les impôts aussi. Attention, " l'intérêt fiscal est ce qui attire mais ne doit pas être la raison d'un investissement en protection complémentaire ", avertit Serge Granger. Il s'agit bien d'une charge, à supporter pendant plusieurs années : pour en retirer tous les avantages en terme de management, la politique sociale doit s'inscrire dans la durée. Accorder des avantages sociaux pour les reprendre aussitôt reviendrait à un bénéfice zéro, voire négatif. Prudence, donc.
Les conditions de l'exonération fiscale (liée à l'article 83 du Code Général des Impôts)
- le contrat doit être collectif, souscrit pour un collège non discriminant (cadres, non-cadres...) ou pour l'ensemble des salariés ;
- la part de cotisations versées par l'employeur doit être la même pour tous les salariés du collège considéré
- la part de cotisations versées par les salariés doit être identique, quelle que soit leur situation familiale (mariés ou non, avec ou sans enfants...). |
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Témoignage
Frédéric Delmas, RRH* du Crédit Immobilier de France Provence Languedoc- Roussillon
Quelle est votre conception de la protection sociale ?
Au sein du Groupe, la protection sociale est bien plus qu'un outil, c'est une valeur. Soucieux des compétence de nos salariés, nous avons notre propre exigence en terme de management. La protection sociale nous assure une politique de rémunération plus attractive. C'est important, surtout dans une PME : le " package " social fait la différence auprès des candidats. L'avantage concurrentiel est indéniable, d'autant qu'il joue aussi en interne. Les salariés se sentent bien dans l'entreprise. Pour preuve : notre taux d'absentéisme ne dépasse pas les 2%.
A quelle stratégie répond votre politique sociale ?
D'une manière générale, à une stratégie de motivation et de fidélisation. Mais pas seulement: chaque produit est géré en fonction d'objectifs propres. Avec la mutuelle, nous jouons sur un rapport " gagnant-gagnant ". Tous les salariés financent 50 % de leurs cotisations, ce qui les rend plus sensibles au coût de la protection sociale. En revanche, la gestion de la complémentaire retraite, dite " retraite article 83 ", est plus spécifique. Tenus par la loi de l'accorder par collège, nous donnons la priorité aux cadres : rappelons que certains ne recevront que 40% de leur salaire au moment de la retraite.
Les non-cadres sont-ils laissés pour compte ?
Nous espérons seulement maintenir l'équité en terme de niveau de vie. Un non-cadre payé entre 150 et 200 KF reste dans le plafond de la sécurité sociale. Il devrait conserver
60 % de ses revenus. S'il le désire, il peut aussi se constituer un capital retraite en épargnant sur le PEE** , sachant que depuis 3 ans, nous abondons les versements volontaires au delà de 50%.
Peut-on se contenter de mettre en place un régime de protection sociale complémentaire ?
Non, pour que la protection sociale reste un avantage concurrentiel, il faut veiller à sa pertinence. Les outils vieillissent, les remboursements varient, les attentes aussi. La pyramide des âges joue sur ce point un rôle important. Les besoins ne sont pas les mêmes à 30 ou 50 ans. Bref, une remise en question permanente est nécessaire, sous peine d'investir dans une protection sociale décalée.
*- Responsable des Ressources Humaines
**- Plan Epargne Entreprise
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