ENTRETENIRE DE BONNES RELATIONS AVEC SON BANQUIER
MODE D'EMPLOI !

Entre PME et ceux qui détiennent le pouvoir sur l'argent, les relations ne sont pas toujours au beau fixe. Loin s'en faut. Les chefs d'entreprise reprochent aux banquiers de ne pas suffisamment s'impliquer dans le développement économique. Ces derniers rétorquent qu'ils n'ont pas le droit de risquer, sans garantie, l'argent de leurs clients. Cependant, tous savent bien qu'ils sont nécessairement partenaires. " Objectif Languedoc-Roussillon " a interrogé les uns et les autres. De leurs propos ressortent quelques principes clefs et de bons conseils. Nous avons voulu vous les faire partager.


1 Créer un climat de confiance
Tout le monde en convient : la clef du succès des relations repose sur une bonne connaissance mutuelle. Celle-ci va bien au-delà du plan financier. Elle concerne aussi l'environnement économique et humain. Quelle que soit la nature du financement en jeu, il reflète toujours les facteurs qui précèdent.
Attention : le banquier n'a pas à intervenir directement dans les décisions de l'entreprise. Son risque n'est pas celui de l'actionnaire ou de la société de capital-risque, qui, eux, participent au financement du haut de bilan. Il s'en tient à son métier de base : d'une part transformer la monnaie du court terme en long terme ou l'épargne en crédits, de l'autre gérer les comptes et proposer un certains nombre de services.

2 S'engager ensemble dans une stratégie de long terme Bien que le banquier ne soit pas à la source de la décision de l'entreprise, il exige de multiples informations avant d'accorder un prêt ou autre facilité. A chaque étape décisive, création ou opération de développement, vous devez aller expliquer et convaincre. C'est à ce prix que se décroche le financement.
Conseil : dans le cas de la création, commencez par consulter votre propre banquier. Il vous connaît déjà. C'est là un premier argument pour convaincre.
Le chef d'entreprise doit séduire
L'argumentaire mettra nécessairement en scène les hommes, les opportunités ouvertes, les moyens prévus, avec en guise de conclusion le plan de développement ou " business plan ", traduction en chiffres du projet. De son côté, le chargé de clientèle, en bon professionnel de la banque, doit être à l'écoute. Tout en se limitant à son rôle de conseil, il fera preuve de curiosité et d'esprit critique.
Attention : l'une des sources d'incompréhension entre le chef d'entreprise et le banquier, c'est que ce dernier n'est pas lui-même technicien. Son interlocuteur doit donc vulgariser et fournir des explications très claires.
A ce prix seulement, il pourra vraiment séduire.
Au banquier d'agir vite
Une fois le projet accepté dans son principe, il reste à faire coïncider projections économiques et données financières. Trop souvent, les chefs d'entreprise ont tendance à sous-estimer les besoins de financement ainsi que les délais. Le dossier est maintenant peaufiné et l'intervention de la banque bien précisée. Il ne s'agit cependant là que d'une première étape.
La réglementation bancaire incite en effet les établissements à prendre des décisions aussi objectives que possible. La décision effective de financement est généralement collégiale. Le chargé de clientèle se doit donc au préalable de convaincre ses collègues et la direction : son objectif consiste à réduire au maximum la période entre dépôt du dossier et examen par les structures décisionnelles. Pour toute demande d'informations complémentaires, il aura un seul impératif : agir vite.
Attention : ne vous contentez pas de l'avis favorable du chargé de clientèle et de sa proposition. Seule, la notification en bonne et due forme vaut accord de la banque.

3 Entretenir les relations
dans le quotidien

Bien souvent, hors étape stratégique, banquiers et responsables d'entreprise n'ont que très peu ou pas de contacts. La curiosité du banquier n'est pas satisfaite. De son côté, le chef d'entreprise considère que cela ne le regarde pas.
Attention : le défaut d'information créela surprise, et une difficulté passagère de trésorerie risque de susciter un sentiment de méfiance chez le banquier. Avec à la clef de fâcheuses conséquences sur l'autorisation de découvert.
Conseil : jouez donc la carte de la transparence. Certains chefs d'entreprise prennent l'habitude d'adresser régulièrement à leur banquier un tableau de bord avec exposé des prévisions et réalisations ainsi qu'analyse des écarts.
Celui-ci est envoyé chaque mois ou chaque trimestre. Rien de mieux pour créer la confiance. Avant toute interruption de service, l'article 60 de la loi bancaire de 1984 impose à l'établissement bancaire de communiquer une information formalisée au client, et dans des délais précis : 60 jours pour les découverts et assimilés, 30 jours pour les autres concours à court terme (trésorerie, escomptée). Conseil : en cas de difficulté, tirez vous-même la sonnette d'alarme. Prévenez votre banquier et n'hésitez pas à provoquer une réunion de vos créanciers afin d'expliquer et de trouver une solution à l'amiable. A l'inverse, la politique de l'autruche conduit aux pires déboires.

Parfois des couacs
Si banquiers et chefs d'entreprises se retrouvent pour plaider en faveur de la transparence, le mur de méfiance est cependant loin d'être abattu. Des contentieux se développent, plus ou moins au grand jour. Patrick Athiel, le secrétaire général de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de l'Aude, souligne que " les banques n'apportent pas un réel soutien au secteur du BTP ". Il cite en exemple cette entreprise de Carcassonne qui a assigné sa banque pour soutien abusif, mais qui risque d'avoir disparu avant même que le procès ait eu lieu en appel. Autre exemple dans l'Aude, celui de la Sobel. Selon son PDG, Georges Desplats, cette entreprise de Castelnaudary, qui se développait de manière prometteuse au niveau national sur le marché de la réhabilitation du chauffage électrique, a vu son élan soudainement coupé par le conflit avec sa banque.
La crise de trésorerie, résultant elle-même du retard dans la mise en place d'un prêt, aurait créé le clash, avec, à la clef, refus du paiement des salaires et des créances des fournisseurs puis réactions en chaîne : perte de crédits fournisseurs, retrait d'une subvention Anvar. Résultat, la Sobel représente aujourd'hui 70 salariés contre 300 en juin. L'affaire est devant la justice.




La parole
aux banquiers

Guillaume Archambault, directeur de groupe de Montpellier à la Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial (SBCIC) : " Trop souvent, lorsqu'il examine un projet de création, le banquier a une démarche spontanément financière ", reconnaît-il. Reste que lorsque le chargé de clientèle est séduit par un projet, il doit " transcrire sa conviction en termes objectifs " pour mieux convaincre ses collègues, et aller au plus vite. " Notre objectif est de réduire à une semaine la période entre dépôt du dossier et accord de la banque ".




Jean Mazet, secrétaire général du Crédit Agricole du Midi :

Depuis dix ans, nous avons fait de gros efforts et nous représentons aujourd'hui environ 25 % du marché des entreprises. La période récente a été marquée par une très nette amélioration de la qualité des relations, ce que montre la chute du taux de créances douteuses. Celui-ci, nettement supérieur à 10 % il y a quelques années, s'établit maintenant à 7 ou 8 % ".



Pierre Villefranque, directeur régional
de la Banque de Développement des PME (BDPME) :

" Notre activité garantie et crédits à moyen et long termes ou investissements en fonds propres a progressé d'environ 20 % en 1999 avec 1,5 milliard de francs (1,3 milliard en 1998) pour 1 300 entreprises bénéficiaires. Nous tenons au dialogue aussi bien avec les PME qu'avec les banques aux côtés desquelles nous intervenons en cofinancement ".